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dominique d'hinnin

  • Le capitaine et la vigie, le 10 mai 2010

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    Rôles et missions du Directeur financier dans la Gouvernance d’entreprise : le capitaine et la vigie

    Une manifestation conjointe des Groupements HEC Finance d’Entreprise et HEC Gouvernance, de la DFCG et de l’Institut Français des Administrateurs, avec le concours du Cabinet Orrick, publiée dans la revue Hommes et Commerces ainsi que dans Echnages, mensuel de la DFCG

    Par Jack Aschehoug (H. 72)

    Cette première expérience de « fertilisation croisée » des organisations invitantes (selon le mot d’accueil de Sylvie Bretones, Présidente du Groupement HEC Finance d’Entreprise et membre du bureau DFCG IdF) mettait en présence Xavier Fontanet, Président du Conseil d’administration d’Essilor et Dominique D’Hinnin, co-gérant du Groupe Lagardère et Président du Club des Trente, avec, comme modérateurs, Olivier Casanova et Jean-Florent Rérolle.

    En préambule, Daniel Bacqueroët, Président de la DFCG, a souligné que la participation des directeurs financiers à des Comités d’audit, notamment d’autres groupes que le leur, est un thème majeur de réflexion pour l’Association en 2010. Alain Martel, Secrétaire Général de l’IFA a rappelé, de son côté, l’intérêt de l’IFA et ses différentes publications sur ce thème.

    Dans son propos introductif, Fabrice Patrizio (Cabinet Orrick) a défini à grands traits le cadre juridique du débat. L’Ordonnance de 2009 est en quelque sorte la version 2.1 du concept de Gouvernance, les rapports successifs de MM. Cadbury, Viénot et Bouton, en ayant constitué la version 2.0. La Gouvernance est aujourd’hui un corpus de règles juridiques, avec des organes sociaux chargés de leur mise en œuvre : parmi eux, le Comité d’Audit, exclusivement constitué d’Administrateurs, relève donc de la responsabilité de droit commun des Administrateurs. Le Directeur financier reste juridiquement un salarié de l’entreprise, bien qu’étant au cœur du dispositif, notamment parce qu’il prépare la communication financière de l’entreprise. Dans ce domaine de la communication financière, d’ailleurs, le Conseil d’administration n’est pas lui-même acteur : il ne fait que contrôler la manière dont elle a été préparée. Ainsi, les frontières des responsabilités respectives du Conseil d’administration, des mandataires sociaux et du Directeur financier sont délicates à tracer.

    Xavier Fontanet se définit lui-même comme un opérationnel, non comme un théoricien. Devenu Président Directeur Général d’Essilor en 1996, il a occupé cette fonction jusqu’en 2009, date à laquelle il a cessé d’en être le Directeur Général : il est depuis Président du Conseil d’administration. Pour lui, le Directeur Général est doté des pleins pouvoirs par le Conseil d’administration, et c’est notamment lui qui nomme le Directeur financier. Le Président du Conseil d’administration, quant à lui, doit veiller au bon fonctionnement du Conseil, en s’assurant en particulier que les Administrateurs sont recrutés pour leur compétence, non à raison de leur appartenance à une nomenclature plus ou moins prestigieuse. Dans le domaine financier, les rôles sont complémentaires et répartis entre le Directeur financier, le Comité d’audit, et les Commissaires aux comptes..

    De son côté, Dominique D’Hinnin est frappé par trois éléments. Tout d’abord, les situations sont extraordinairement diverses, en fonction de la taille, du statut juridique, de l’existence ou non d’un contrôle majoritaire de l’entreprise. Ensuite, la fonction de Directeur financier a énormément évolué au cours des vingt dernières années. Enfin, le formalisme tend à l’emporter sur le fond : un avis positif de juriste risque de tenir lieu de justification d’une décision, dont le bien-fondé n’est, du coup, pas remis en question. La Gouvernance oblige à formaliser des règles et à être en mesure d’en justifier le respect vis-à-vis des organes de contrôle. Mais, aucun corps de règles ne saurait remplacer la « vertu » nécessaire des acteurs :, Enron ou Parmalat paraissaient exemplaires sur le plan des normes internes, mais leur management reposait sur le mensonge généralisé.

    Xavier Fontanet partage bien sûr ce point de vue. Au-delà des Codes, la transparence est un élément indispensable. Dans le domaine des normes de fonctionnement, Essilor a beaucoup appris de son passage dans l’orbite du groupe Saint-Gobain, actionnaire important de la société entre 1987 et 2009 : l’insertion dans ce groupe multinational a encouragé la Société à passer de l’informel au codifié. L’éloignement du groupe a constitué un virage stratégique considérable, lors duquel le Conseil d’administration a eu à jouer un rôle tout à fait déterminant : d’où l’intérêt de disposer au sein du Conseil d’un aréopage de personnalités sélectionnées essentiellement à raison de leur compétence.

    Répondant à une question de Jean-Florent Rérolle, Dominique D’Hinnin affirme que le Directeur financier n’est ni le stratège exclusif de l'entreprise, ni un mandataire social. Sa mission se trouve en revanche renforcée par l’émergence du Comité d’audit. La communication financière l’amène à répondre aux questions des différents publics d’investisseurs financiers… mais son travail fondamental est la mise en œuvre du contrôle interne. Il doit être aidé en cela par le Directeur juridique, et encadré à la fois par les Commissaires aux comptes et par le Comité d’audit.

    Comment définir ce qu’il faut entendre par « personnalité compétente » pour faire partie du Comité d’audit ? A cette question, posée par Mme Viviane Neiter, Présidente de l’Association Pour la Promotion de l’Actionnariat Individuel, Xavier Fontanet dresse une sorte de portrait : une personne dotée de compétences techniques reconnues, et d’un tempérament indépendant marqué, les deux éléments étant liés dans son esprit (« l’indépendance découle de la compétence ») ; par ailleurs, l’expérience forge la compétence, et il faut se garder de désigner des personnes trop jeunes (« le temps se venge toujours de ce qu’on fait contre lui »).

    A la question d’Olivier Casanova : « Le Directeur financier devrait-il faire partie du Conseil d’administration ? » Dominique D’Hinnin répond par la négative, sauf parfois dans le cas particulier des sociétés à contrôle majoritaire familial. Par ailleurs, le Directeur financier ne doit pas être l’interlocuteur unique du Comité d’audit : le Comité doit aussi auditionner le responsable du Contrôle interne. Quant à savoir s’il a un « devoir d’alerte » vis-à-vis du Conseil d’administration, la réponse est là aussi négative : le « devoir d’alerte » en question doit être exercé vis-à-vis du Directeur général, pas vis-à-vis du Conseil d’administration.

    Pour sa part, Xavier Fontanet, est d’avis que le Directeur général ne doit pas participer au Comité d’audit : chargé de contrôler les résultats de la gestion du Directeur général, le Comité doit pouvoir le faire en toute indépendance vis-à-vis de celui-ci. En revanche, le Directeur financier, tout comme le responsable du Contrôle interne, doivent en être les interlocuteurs permanents. Le Président doit s’assurer que le Comité d’audit a les moyens de sa mission et que l’entreprise est ouverte à ses demandes.

    Quelle attitude tenir en cas de conflit entre le Directeur financier et le Directeur général à propos d’orientations contraires à l’intérêt des actionnaires que ce dernier prendrait ? Les deux orateurs conviennent qu’il s’agit de situations extrêmes horribles à vivre et à gérer. Le Directeur financier se doit d’abord d’essayer de persuader le Directeur général de revenir sur ses décisions : sinon, il se rend complice de la situation. Au-delà, et en cas d’échec : démissionner ? Saisir le Conseil d’administration, voire les actionnaires principaux (quand il en existe) ? Alerter les Commissaires aux comptes ? Aucune solution n’est satisfaisante, ni d’ailleurs généralisable : la réponse doit dépendre des situations et personnalités respectives, et du degré de transparence prévalant entre les différents acteurs.

    Pour Xavier Fontanet une forte présence d’un actionnariat salarié favorise grandement.la transparence. Chez Essilor, la généralisation de l’actionnariat salarié facilite l’échange des informations entre les niveaux locaux et le niveau central : l’Assemblée générale de Valoptec, association qui réunit les salariés actionnaires, délibère chaque année et se prononce à bulletins secrets sur les orientations stratégiques présentées par le Directeur général. Et pour que cet actionnariat salarié ait du sens, il faut que l’investissement de chaque salarié représente une fraction significative du patrimoine de chacun.

    Ceci étant, pour Dominique D’Hinnin, aligner la situation patrimoniale des salariés sur le cours de bourse de l’entreprise a ses limites, car la Bourse : « …çà va, çà vient ! ». Aussi bien Xavier Fontanet estime-t-il qu’il doit s’agir d’un mécanisme d’accumulation très progressif, étalé sur l’ensemble de la carrière au sein de l’entreprise, dans lequel l’implication doit croître avec le rôle dans la société.