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détresse financière

  • L'évaluation en temps de crise avec Jean-Florent Rérolle, le 31 janiver 2010

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    Le 28 janvier 2010, le premier workshop du groupement Finance d’Entreprise sur  le thème de « l’évaluation d’entreprise » a été organisé avec succès : près de 80 participants se sont retrouvés autour de Jean Florent Rérolle (M. 91) : Managing Director de la banque américaine d’investissement Houlihan Lokey ; Fondateur et administrateur de la SFEV (Société Française des Evaluateurs) ; Vice Président de l’International Valuation Professional Board.

    Le mot clé du « workshop » de notre groupement est  la Technicité : les grands experts d’un domaine spécifique de la finance d’entreprise acceptent  de partager leur connaissance, leur savoir faire et leur vision conceptuelle, permettant aux participants d’élargir et d’approfondir leurs connaissances et compétences techniques.

    Etant Pioneer de ce segment, le groupement Finance d’Entreprise souhaite contribuer ainsi à l’animation de la communauté HEC.

    Pour ce premier thème dont le titre était « l’Evaluation en (temps de) crise ? », Jean-Florent Rérolle nous a livré sa vision de l’évaluation mais également la récente méthodologie d’évaluation mise en œuvre dans le cadre de la restructuration de Thomson (APV : Adjusted Present Value) et présentée à l’AMF.

    Chacun sait que les entreprises font face aujourd’hui à un besoin croissant en évaluation : Fair Value dans IFRS ; défense des intérêts minoritaires, activisme, montée en puissance des comités d'audit, etc.…

    Les approches utilisées sont classiques même si la profession des évaluateurs reste hétérogène. Heureusement il y a le consensus selon lequel la valeur d'un actif dépend de sa rentabilité et de son risque.

    Il a toujours existé des difficultés pratiques dans l'application des deux grandes familles de méthodes que sont les approches analogiques et les approches intrinsèques. Pour ne parler que la dernière catégorie, les praticiens connaissent la difficulté de construire des plans d'affaires couvrant une période suffisante pour capturer toute la dynamique opérationnelle et financière des avantages compétitifs que l'entreprise doit construire pour créer de la valeur. Mais ces difficultés ne rendent pas l’exercice d’évaluation pour autant vain. Les investisseurs comme les évaluateurs doivent se prononcer dans un environnement par nature incertain et faire des paris sur l’avenir.

    Au-delà de ces difficultés traditionnelles, l'évaluateur est confronté à un décalage grandissant entre les méthodes disponibles et la complexité qu'il doit capturer dans son analyse. L'économie de l'immatériel rend les frontières de l'entreprises poreuses et la rentabilité des produits / services plus volatile (comment évaluer les performances lorsque l’échange va au-delà du prix et du service ou du produit pour intégrer des flux d’information et d’émotion?). De même, si la globalisation permet de construire plus facilement des avantages compétitifs, elle réduit la durée durant laquelle cet avantage peut être maintenu.

    La crise a porté un dernier coup à l'évaluation en cassant la boussole du marché et en réintégrant la contrainte du financement. L'illiquidité temporaire des marchés a conduit à une remise en cause du concept de Faire Value et du dogme de l'efficience des marchés qui, de manière tout à fait erroné comme la souligné le rapport Morand/Marteau constituait sa caution scientifique.

    Cette crise de l'évaluation doit nous inciter à changer notre approche à la fois comportementale et technique lorsque nous cherchons à déterminer la valeur d'un actif.

    Sur le plan comportemental, il faut que l'expert devienne plus modeste. Il est d'ailleurs toujours moins bon dans des situations où le raisonnement n'est pas linéaire et où les interprétations sont incertaines. Son opinion n'est qu'une position parmi d'autres, nécessairement subjective. Il doit en conséquence s'efforcer d'encadrer cette subjectivité en accroissant la rigueur de ses analyses et en étant plus transparent sur son raisonnement, ses hypothèses et les limites de ses résultats.

    Sur le plan technique, il doit s’ouvrir à des domaines jusqu’alors négligés : le risque dans toutes ces composantes (la géopolitique ou la géo-économie peuvent par exemple enrichir l’analyse concurrentielle), la finance comportementale, les sciences de la complexité, la gouvernance financière… L’approche par scénarios multiples, les méthodes optionnelles sont également des outils qui restent insuffisamment exploités. On objectera que pour leur mise en œuvre est complexe et qu’elle dépend de nombreuses hypothèses qui les rendent artificielles. Mais qu’est ce qui est le plus éclairant : l’utilisation d’approches que l’on sait totalement inadaptées ou bien le recours à des approches moins complexes qui permettent de mieux comprendre dans quelles conditions la valeur se crée?

    A la surprise de la salle, Jean Florent Rerolle a rappelé un principe fondamental : la variabilité du business au changement des conditions du marché doit être le critère le plus important pour faire une évaluation, beaucoup plus important que les méthodes.

    Il a terminé son exposé par l’illustration d’un grand cas d’école : le plan de restructuration du groupe Thomson. A l’occasion de cette expertise, il a montré qu’il est impossible d’évaluer correctement une entreprise en restructuration sans changer de manière substantielle les approches classiques. La valeur d’une entreprise en difficulté et sa répartition entre les différentes parties prenantes se déforment au cours du temps. L’évaluateur doit prendre en compte la dimension du financement dans toute sa complexité (liquidité, solvabilité, risque de défaut, coût de détresse financière, coût de financement, variation du levier au cours du temps, variation des économies fiscales, valeur de marché des différents types de dette…). Les approches DCF classiques sont trop brutales et restrictives pour être pertinentes.

    Dans ce cadre, il a adopté l’approche de l’APV (Adjusted Present Value) et a introduit le concept ‘coûts de détresse financière’ dans le calcul de la valeur de l’entreprise et celle de la dette.

    A la fin, Jean Florent Rerolle a généreusement partagé ses formules ‘magiques’, ce qui a été bien apprécié par la salle:

    Valeur des actifs opérationnels + Valeur des économies fiscales – Coût de détresse financière = Valeur d’entreprise  – Valeur de marché de la nouvelle dette – Valeur des ajustements = Valeur des Fonds Propres

    Coût de détresse financière = Valeur d’entreprise hors défaut – Valeur d’entreprise incorporant un risque de défaut probabilisé.

    Les nombreux liens entre la Fair Value et la gouvernance ont également été mis en exergue à cette occasion  :

    - la fair value rejoint le sujet de la problématique actionnariale et de "quel objectif pour l'entreprise"

    - l'équité des boards à répartir la richesse et la gouvernance sont des éléments clefs lors d'une évaluation

    - les comités d'audit utilisent les impairment tests comme drivers de la performance.

    Eugenie Dufour-Fan (M. 04)