Le groupement HEC Finance a inauguré sa nouvelle formule matinale limitée à 30 participants - les « petits déjeuners économie & conjoncture » - le 27 juin dernier dans les locaux du cabinet Salans à Paris (que nous remercions chaleureusement pour son accueil). Pour cette première, Jack Aschehoug (H 72), Catherine Noel Fiacre (M04) et Isabelle Loupot (M03) membres du bureau HEC FE avaient invité Jean Paul Betbèze (H 72), chef économiste et directeur des études économiques du Crédit Agricole, pour intervenir sur le thème « comment sauver la zone Euro ? quelle crise ? quels outils ? » ; pour l’anecdote, on était alors à trois jours d’un sommet Européen critique, supposé apaiser les vives tensions réapparues sur la zone Euro !
JP Betbèze, par ailleurs membre du Cercle des économistes et auteur de plusieurs ouvrages récents sur le sujet, nous a fait un exposé très brillant, à la fois didactique, très bien documenté et qui plus est plein d’humour ; nul doute que nous avons désormais les idées plus claires sur ce sujet brûlant et ô combien médiatisé (avec des commentaires parfois erronés) . Nous nous limiterons ici à évoquer quelques idées-forces :
1° La crise actuelle (amorcée en 2008) résulte d’un excès de dette généralisé
Les dettes des Etats ont explosé, atteignant des niveaux très inquiétants en % du PIB ; plus aucun pays, sauf peut être la Suisse, n’est actuellement considéré comme sûr !
Les autres acteurs économiques : banques, immobilier, entreprises, particuliers sont également déjà très endettés ce qui accentue l’ampleur de la crise mondiale actuelle, comparable à celle de 1929, et complique les mécanismes de reprise.
Il y a eu perte de confiance des marchés financiers devant le laxisme général du passé récent (« argent trop facile »), les opérateurs sont très nerveux et sur-réagissent à la moindre étincelle, par exemple le risque de faillite de la Grèce n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan des enjeux & risques à l’échelle mondiale.
Il y a donc urgence à casser la spirale de l’endettement en diminuant les dépenses (et non pas en augmentant les impôts) d’où la situation actuelle de récession économique.
2° Les risques d’amplification de la crise
Spirale descendante de déflation : ne pas réduire trop fortement les dépenses car le but ultime est de retrouver une croissance économique (> +2%) . Ainsi les pays d’Europe du Sud ont du mal à réduire leurs déficits car la récession diminue aussi leurs recettes fiscales.
Bataille de politiques monétaires entre les leaders économiques mondiaux : la rivalité Chine /USA a ainsi plutôt tendance à renchérir le cours de l’Euro, ce qui est contre-productif dans le contexte actuel.
Risque d’explosion de la zone Euro par contamination de la crise grecque : la situation est actuellement très tendue pour l’Espagne et l’Italie et il faut absolument que ces deux pays puissent se re-financer rapidement de manière moins coûteuse.
3° Les principaux outils pour sortir de la crise
Comme rappelé précédemment, la crise est beaucoup plus profonde que prévu et donc la reprise sera d’autant plus compliquée et risquée !
La crise bancaire semble désormais s’estomper, grâce au soutien très actif des banques centrales et des pouvoirs publics (baisse des taux d’intérêt, facilités de refinancement, incitation à des regroupements …)
Les réductions drastiques des déficits publics devront être confirmées, néanmoins un consensus semble se dessiner en faveur d’une moindre rigueur dans leur mise en œuvre afin de ne pas tuer dans l’œuf la reprise économique qui s’annonce déjà beaucoup plus lente que prévu (cf 2012 quasi-plat).
Le salut pour les pays d’Europe du sud viendra des gains de compétitivité générés par la baisse des salaires nominaux ; comme l’Allemagne a également fait de très gros efforts ces dernières années, la France doit rester très vigilante sur la modération salariale, sinon elle sera laminée à l’exportation.
4° Question de la salle : une mutualisation de la dette européenne est-elle possible ?
Cette mutualisation permettrait en théorie un refinancement à taux très bas pour tous les pays, évitant ainsi une charge d’intérêt en croissance exponentielle ; mais elle est irréaliste techniquement, même via la création d’un organisme spécifique doté de fonds propres : si la Grèce veut lever un nouvel emprunt, comment pourrait-elle engager l’Europe entière ?
La seule alternative viable pour baisser le coût de la dette passe par une meilleure intégration bancaire européenne et une intervention accrue de la BCE, auxquelles l’Allemagne était jusqu’à présent réticente ; mais un tel compromis peut être espéré car une faillite grecque ou espagnole serait in fine très néfaste pour son économie !
5° Question de la salle : jusqu’où faut-il aller dans le soutien au secteur bancaire ?
Le soutien aux banques par les Etats ou la Banque Centrale permet de doper la confiance des opérateurs, elle même nécessaire pour favoriser la reprise économique ; grâce à une forte réactivité des USA et de l’Europe après le choc provoqué par la faillite de Lehman Brothers, on a évité le pire !
Il faut toutefois faire preuve de discernement : si la banque n’a qu’une crise passagère de liquidité il faut intervenir via la banque centrale ; si le mal est plus profond, il faut restructurer et adosser ce qui reste sain à une autre banque plus solide.