Conférence Vernimmen 2015, 20 janvier 2015 (15/03/2015)
Les tendances nouvelles de la Finance d'entreprise : une conférence de Pascal Quiry et Yann Le Fur, auteurs du Vernimmen, ouvrage de référence de la finance d'entreprise, organisée par le groupement HECFE en partenariat avec le cabinet d'avocats Dentons.
Les tendances nouvelles de la Finance d'entreprise : une conférence de Pascal Quiry et Yann Le Fur, auteurs du Vernimmen, ouvrage de référence de la finance d'entreprise, organisée par le groupement HECFE en partenariat avec le cabinet d'avocats Dentons.
Premier constat : les ETI font de plus en plus appel au marché financier pour le financement de leur endettement. En 2013, en France, ce sont 35% des financements qui ont été réalisés par ce biais : ils ne représentaient que 25% cinq ans plus tôt (par comparaison, en Allemagne, 80% des financements étaient d'origine bancaire, mais seulement 26% aux Etats-Unis). Bien évidemment, les contraintes de bilan des banques ont joué un rôle prépondérant dans cette évolution. Mais elle marque aussi une volonté des entreprises de diversifier leurs sources de capitaux.
Ces appels au marché ont été permis par le développement des placements privés : USPP, Schuldshein, mais aussi Euro PP, qui, à l'initiative de la France, ont permis de collecter 4 milliards d'euros depuis le lancement de cette technique, il y a seulement quelques mois. Au niveau des souscripteurs, les fonds spécialisés en opérations des plus petites entreprises (Mikado, par exemple) ont connu un succès d'estime.
Dans le domaine des émissions obligataires classiques, on note que certaines opérations peuvent maintenant être menées à bien sans notation. La technique de l'Initial Bond Offering (IBO) n'a pas suscité de grand engouement. Et les émissions de titres hybrides (convertibles, échangeables, OBSA,...) pour les PME restent anecdotiques.
A noter également, dans le domaine du court terme, l'ouverture du marché des billets de trésorerie aux ETI.
Une accélération de ces phénomènes suppose d'abord une reprise des investissements. Si celle-ci intervenait, le mouvement pourrait toutefois être contrecarré par l'agressivité des banques, qui disposent désormais de capacités à prêter importantes, par la lourdeur des contraintes de communication financière, par le manque d'appétit des investisseurs particuliers, et, pour les entreprises demandeuses, par une certaine crainte de se trouver sous la contrainte des marchés financiers.
En matière de procédures de redressement des entreprises, un nouveau et septième régime a été introduit dans le droit français : la sauvegarde accélérée. Les prêteurs peuvent désormais proposer eux-mêmes des plans de redressement. Dans la pratique, on constate que les banques ont de moins en moins tendance à céder leurs créances, et le maintien au sein de leurs services contentieux de la gestion des participations issues de la conversion de leurs créances en capital pose des problèmes de gouvernance.
Comment gérer les finances en période de déflation ? Nos deux conférenciers relèvent tout d'abord qu'on n'est pas (encore) en déflation. Sur le plan macro-économique, la déflation aurait un impact très défavorable, les consommateurs ayant tendance à différer leurs achats de biens et services dans l'attente de la baisse des prix. Si ce risque devait néanmoins se concrétiser, sept mesures devraient être envisagées :
o se désendetter le plus possible (en l'absence d'inflation, le capital emprunté ne se déprécie plus)
o céder les actifs immobiliers d'exploitation pour les louer (l'indexation des loyers jouant à plein, sauf clause contraire du contrat)
o transformer les dettes à taux fixe en dettes à taux variable
o allonger la durée des dettes
o réduire les besoins de fonds de roulement
o vérifier la qualité des actifs de trésorerie
o privilégier la rémunération des actionnaires sous forme de rachats d'actions plutôt que par distribution de dividendes, qui est moins discrétionnaire d’autant que le régime fiscal en est plus favorable (aux Etats-Unis, les plus-values issues de rachats d'actions sont taxées à 24%, et les dividendes à 40% ; en France, en l'état actuel, le taux de taxation est le même dans les deux cas, mais la plus-value taxée est réduite pour les titres détenus depuis au moins deux ans)
Le mécanisme du crowdfunding (en Français, "financement participatif") correspond en fait à des pratiques anciennes, mais connues sous d'autres dénominations (quêtes, souscriptions, ...). Mais l'avènement des réseaux sociaux et des techniques de paiement virtuel autorise un développement significatif.
Le cadre juridique du financement participatif a été récemment stabilisé (ordonnance du 30 mai 2014, décret du 16 septembre 2014) : les plates-formes doivent faire l'objet d'un agrément administratif ; chaque projet ne doit pas dépasser un million d'euros ; s'agissant de prêts rémunérés, chaque investisseur est autorisé à souscrire jusqu'à 1000 euros par projet (4000 euros si le prêt est sans intérêt) ; pour les opérations sous forme de titres financiers, les souscriptions individuelles ne sont pas plafonnées. A noter que seuls les prêts destinés à l’achat d’un bien ou d’un service sont autorisés : cela revient à exclure le financement du BFR des entreprises.
La mise en place d'une opération de crowdfunding nécessite un délai de l'ordre de 3 mois, et il faut compter sur des frais de montage de 5 à 12% des capitaux collectés, plus quelques milliers d'euros de frais fixes.
Vis-à-vis des entreprises, le mécanisme s'adresse aux "start-ups" et aux PME pour le financement de projets de développement ou d'internalisation.
Pour les souscripteurs, le risque est évidemment important.
L'année 2014 aura été marquée par un retour en grâce de la bourse. On a en effet assisté dans la première moitié de l'année à une véritable vague d'introductions en bourse, ayant permis de lever quelque 4,3 milliards d'euros de capitaux. Cinq sociétés introduites ont une capitalisation boursière supérieure à 1,5 milliard d'euros, mais 20 ont une capitalisation comprise entre 20 et 100 millions d'euros. Sept sur dix de ces "petites capitalisations" cotent cependant moins actuellement que leur prix d'introduction.
La fenêtre favorable aux introductions en bourse s'est en fait refermée fin juin 2014 après l'échec de l'émission Déinove mais elle vient de se rouvrir.
Pour une PME, la préparation d'une introduction en bourse est particulièrement lourde : à titre d'illustration, un prospectus comporte généralement plus de 170 pages !
Enfin, nos deux conférenciers ont présenté quelques réflexions sur un sujet à l'étude pour la prochaine édition du Vernimmen : pour une entreprise, vaut-il mieux acheter ou louer son immobilier ? Un arbitrage est ici à faire entre la sécurité que peut représenter la propriété des immeubles (en cas de difficulté, possibilité d'obtenir en les vendant le financement de la mauvaise passe pour louer ensuite les mêmes locaux ou d'autres plus adaptés aux besoins), et le caractère exogène de la gestion d'immeubles par rapport au cœur de l'activité de l'entreprise allié au frein à la mobilité ou à la souplesse d'adaptation aux besoins que représente le fait d'être propriétaire.
Jack Aschehoug
21:52 | Tags : hecfe, vernimmen, pascal quiry, yann le fur, financement, entreprises en difficulté, crowdfunding, déflation | Lien permanent | Commentaires (0)