Interview de Sylvie Bretones, DAF à mi-carrière par Sophie Mouterde, d'Oasys Consultants (08/09/2016)
Sylvie, quel est votre parcours ?
Ingénieur de l’Ecole Centrale Marseille et d’un Mastère de Finance à HEC, j’ai tout de suite exercé dans la finance d’entreprise. Aujourd’hui, je suis directrice financière des activités maîtrise d’ouvrage et ferroviaire de Vinci Concessions. J’ai toujours travaillé dans le monde des grands projets, un secteur avec une forte dimension ingénierie financière et « haut de bilan ».
La mi-carrière, pour un directeur financier, comment la voyez- vous ?
C’est une question qu’il est indispensable de se poser vers 40ans. On peut alors faire le choix de continuer dans la finance, c’est riche et passionnant. Parfois, émerge vers cet âge une envie d’autres métiers ou de devenir DG. C’est alors le moment de franchir le pas. Passer pour la première fois vers l’opérationnel après 45 ans me semble plus difficile.
Quelles sont les attentes aujourd’hui vis-à-vis d’un DAF ?
Tous les financiers aujourd’hui, y compris dans des métiers experts comme la consolidation, doivent communiquer, sortir de leur bureau, vulgariser et faire comprendre leurs exigences, contraintes et objectifs financiers. Ce n’est pas toujours facile pour les profils experts, plus analytiques.
Le directeur financier doit par ailleurs contribuer à élaborer la stratégie, piloter l’optimisation des process avec une dimension systèmes d’information de plus en plus forte. Bref le directeur financier doit être Business Partner, comme tous les membres du Codir. Etre Business Partner implique aussi d’en avoir les moyens en travaillant son périmètre : croissance externe, juridique, et même RH peuvent compléter utilement le scope du directeur financier, en fonction de la taille de la structure et de sa gouvernance.
Et comment va évoluer la fonction de DAF ?
L’international va encore se développer : au-delà de la maîtrise de l’anglais, le directeur financier doit savoir s’adapter à ses interlocuteurs en fonction de leurs différences culturelles. Les entreprises internationales sont matricielles, complexes, orientées projets, et maintenant digitales…, et le fonctionnement hiérarchique y laisse de plus en plus la place à un fonctionnement en réseau. Pour le directeur financier, cela veut dire croitre en agilité et en coopération.
Dans ce contexte, la gestion des risques est clé et les cartographies intègrent aujourd’hui les parties prenantes de l’entreprise. Chez nous, nous sommes très vigilants aux risques, et en même temps nous sommes très décentralisés ; aussi, l’information doit pouvoir remonter très vite en cas de problème.
Enfin, les DAF maîtrisant Big Data et Business intelligence sont en émergence. Les opérationnels en sont de plus en plus experts pour analyser et anticiper leur activité. L’enjeu de la direction financière est de pouvoir les accompagner : veille, compréhension des nouveaux business models, des leviers de création de valeur, choix des projets et prise de risque, utilisation des données. Les opérationnels s’organisent pour développer cette business intelligence liée à l’exploitation des data. La direction financière doit être au rendez-vous pour les accompagner, au risque d’être sinon ubérisée.
Vous êtes dans plusieurs réseaux : entre autres, vous avez créé HEC finance d’entreprise qui fédère plus de 1200 membres, vous êtes administratrice de la DFCG (Association des Directeurs Financiers et du Contrôle de Gestion). Pourquoi et comment « réseauter » quand on est financier d’entreprise ?
Le réseau, c’est une évidence. Il y a deux niveaux d’implication : y être acteur ou consommateur. J’ai remarqué qu’il est difficile de faire sortir les financiers d’entreprise de leur bureau. C’est souvent pas naturel, mais il faut essayer, se faire violence. C’est un enrichissement, que l’on soit participant ou acteur. Cela apporte de l’ouverture, une prise de recul, une bouffée d’oxygène.
C’est pourquoi ce doit être prioritaire dans l’agenda, comme un déplacement professionnel. Ce n’est pas optionnel, cela fait partie du travail, ce n’est jamais du temps perdu : échange sur des sujets d’actualité ou d’expertise, benchmarks avec d’autres secteurs ou entreprises, j’en tire toujours quelque chose pour mon activité. Je pense qu’il est important d’être aussi sur les réseaux sociaux.
Sur Linked in, il est nécessaire d’avoir un profil, bien sûr, et aussi des recommandations, des compétences tagguées et validées par ses relations, de participer à des groupes. Je communique aussi sur Twitter, c’est l’occasion de montrer qui je suis avec quelques traits plus personnels, en relayant des sujets, en partageant de l’information. C’est important de maîtriser ces outils : c’est important pour l’employabilité et la compréhension des changements de notre environnement.
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