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Cycle JPB, deficit public, le 06 février 2014 (01/01/2015)

Quatrième édition des petits déjeuners de conjoncture organisés par le Groupement HEC Finance d’entreprise en partenariat avec le Cabinet Dentons : Agnès Verdier-Molinié, et notre camarade et économiste Jean Paul Betbèze (H. 72) ont débattu sur le thème : Déficit public et Croissance - Et si le Secteur Public s’inspirait des bonnes pratiques de la gestion d’entreprise ?

Jean-Paul Betbèze commence par dresser un tableau de la situation économique française :

- nous allons mieux mais, pas beaucoup,

- la croissance a été molle tout au long de 2013 avec des hauts et des bas du fait d’un faible investissement,

- cette faible croissance est accompagnée d’une faible inflation (environ 1%)

La croissance est faible car les entreprises n’investissent pas (ou pas assez) ; en effet :

- les entrepreneurs sont inquiets,

- le taux de rentabilité des entreprises s’est érodé sous le coup des hausses de salaire consenties (notamment pour acheter la paix sociale) et des charges sociales et fiscales ce qui leur laisse très peu de marges de manœuvre.

Dans ce contexte, il faut diminuer la pression fiscale pesant sur les entreprises pour leur redonner des marges (de manœuvre).

Ainsi les entreprises pourront investir davantage ce qui relancera la croissance et la création d’emploi. La baisse de la pression fiscale sur les entreprises va entraîner une diminution des recettes de l’état et doit s’accompagner d’une diminution des dépenses de l’Etat. Par ailleurs du fait du contexte actuel (faible inflation, faible croissance), la maîtrise des salaires doit rester un objectif majeur pour les entreprises.

Agnès Verdier-Molinié prend la parole et nous explique comment l’Etat va pouvoir (devoir) diminuer les charges qui pèsent sur les entreprises tout en réduisant la dépense publique.

Elle explique qu’il y a une prise de conscience depuis 2 ans environ sur le fait qu’il faut raisonner au niveau de l’ensemble de la dépense publique c’est-à-dire non seulement la dépense de l’Etat, mais aussi celle des collectivités locales, de la sécurité sociale ainsi que de l’ensemble des prestations sociales.

Et elle met en garde sur les effets de communication des gouvernements au sujet de la baisse des dépenses publiques ; par exemple :

- quand le ministre du budget Bernard Cazeneuve annonce la baisse de la masse salariale des fonctionnaires de 200m€ en 2013, c’est vrai sur le papier mais 10 000 fonctionnaires ont été transférés dans le même temps aux opérateurs publics (IGN, Pôle Emploi, etc ..) : cette baisse affichée est donc artificielle ;

- la communication d’économies se fait généralement en comparaison avec la hausse tendancielle (moyenne des augmentations des dernières années) ainsi la dépense publique continue d’augmenter en valeur nominale et passe entre 2012 et 2014 de 1150Mds € à 1180Mds€ puis 1200Mds€.

Selon Agnès Verdier-Molinié, les dépenses publiques doivent baisser ou au mieux se stabiliser autour de 1200Mds€.

Mais quelles dépenses baisser ?

La France doit principalement s’attaquer au coût de la production des services publics tout en continuant à stimuler l’esprit d’entreprise. Ce coût s’élève à 27,7% du PIB contre une moyenne européenne de 24,9% : aussi nous pourrions avoir le même service public pour 59Mds€ de dépenses en moins…

Exemples :

- Dans l’éducation nationale par exemple, pour le même nombre d’élèves qu’au Royaume Uni ou en Allemagne, la France a 400 000 personnes dans les fonctions support alors que nos voisins en ont environ 100 000 : chacun (Etat, régions, départements, communautés de communes, communes) veut en effet avoir son mot à dire sur chaque politique ce qui engendre des doublons de compétences et une inefficacité de l’action publique.

- Dans la culture également : le récent MUCEM (musée national) financé par l’Etat se trouve à quelques centaines de mètres de la Villa Méditerranée, financée par le conseil régional !

L’Etat doit donc redéfinir les missions qui échoient à chacun et notamment regrouper les communes comme l’ont fait la Belgique, l’Allemagne et les Pays Bas notamment. Agnès Verdier-Molinié rappelle que la France a 40% des communes d’Europe !

Ces doublons de compétences entraînent une démotivation des fonctionnaires qui sont trop nombreux, pas assez payés et pas assez valorisés. Un des effets en est l’absentéisme élevé dans la fonction publique.

Il faut donc réduire la fonction publique au sens large de 700 000 postes (par le non remplacement de tous les départs en retraite pendant 4 ans !) ce qui demande une vraie vision RH de la fonction publique, des transferts entre administrations et de la formation.

Les freins à cette réforme ?

- Il y a un problème d'accès aux données publiques. Pour avoir les comptes des CAF ou les bilans sociaux des communes il faut les réclamer et menacer de liste noire

- La dépense publique est devenue une rente. Notamment pour ceux qui la distribuent,

- La peur des politiques de la rue,

- La France n’a pas les syndicats de consensus et de progrès qu’il faudrait pour accompagner ces réformes selon Agnès Verdier Molinié.

Mais la réforme arrivera forcément selon elle car nous avons une pression de l’Union Européenne, des marchés financiers et des agences de notation.

Jean-Paul Betbèze conclut en indiquant que le fameux spread (écart de taux entre la France et l’Allemagne sur les marchés financiers) est faible à l’heure actuelle davantage pour des raisons conjoncturelles (inquiétudes sur les pays émergents avec un flight to quality) et que la note de la France n’a pas été dégradée par Moodys davantage pour ce qu’elle a promis de réaliser que pour les efforts qui ont réellement été mis en œuvre.

Au sujet de nos intervenants :

Agnès Verdier-Molinié est diplômée d’histoire économique et contemporaine. Elle a été journaliste et travaille au sein de l’IFRAP (Fondation pour la Recherche sur les Administrations et les Politiques Publiques) depuis 2002. En 2009 elle prend la direction de l’IFRAP. Elle est également l’auteure de 3 ouvrages : La mondialisation va-t-elle… nous tuer ? (2008), Les Fonctionnaires contre l'État (2011) et 60 milliards d’économies … par an ! (mars 2013). www.ifrap.org

Jean-Paul Betbèze est économiste. Il mène tout d’abord une carrière universitaire avant de rejoindre en 1989 la direction des études économiques et financière du Crédit Lyonnais. De 2005 à 2013 il est chef économiste et directeur des études économiques du groupe Crédit Agricole. En février 2013 il créé Betbeze Conseil. Il a écrit de nombreux ouvrages dont Si ça nous arrivait demain, paru en 2013.

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